Les enfants de Gaza: une génération sous blocus

2 garçons dans une rue de Gaza

A Gaza, la plupart des enfants de moins de 15 ans n’ont jamais vu le monde extérieur. Le blocus imposé a mis à mal les conditions de vie de leurs familles. En raison de la pauvreté, les enfants travaillent au lieu d’aller à l’école. Les restrictions liées au COVID-19 et les violentes confrontations de mai 2021 ont augmenté leurs souffrances psychologiques. Quand est-ce que ces enfants pourront vivre comme les autres? 

En mai dernier, les Gazaouis se préparaient aux festivités de l’Aïd, après le Ramadan, lorsque les premières bombes sont tombées. Mahmoud*, un adolescent de 15 ans, était chez lui avec sa famille. A travers leur toit en tôle, il a vu les flammes des explosions. «On était terrifiés lorsqu’on a vu la lumière des roquettes. On est descendus dans l’appartement de mon grand-père, où on est restés jusqu’à ce que le calme revienne et qu’ils annoncent une trêve. J’avais peur et je n’avais pas envie de remonter.»

Après onze jours de conflit et de nombreux appels de la communauté internationale, un cessez-le-feu est entré en vigueur. En collaboration avec trois organisations partenaires locales qui couvrent l’ensemble de la bande de Gaza, les équipes de Terre des hommes (Tdh) ont organisé des soins psychologiques d’urgence, des séances de conseil et d'orientation, des activités récréatives pour les enfants et distribué des articles d’hygiène aux familles les plus touchées. 

Asmaa Abu Reida travaille pour une organisation partenaire de Tdh dans l’un des quatre centres de protection de l’enfance. Elle explique: «Nous sommes dans une zone frontalière. Le stress et la peur sont omniprésents. Nous aidons les enfants et leurs parents à surmonter leurs traumatismes psychologiques. Avec les parents, nous cherchons comment accompagner les enfants qui traversent des situations de crise ou qui sont confrontés à la guerre.»

Fille dans un immeuble détruit à Gaza
Fille dans un immeuble détruit à Gaza

Une jeune fille contemple la rue depuis son appartement détruit.

Le travail des enfants 

Les tensions politiques mêlées au blocus et à la crise sanitaire ont des répercussions dramatiques sur la situation économique de la bande de Gaza. Plus de la moitié de sa population est au chômage et vit sous le seuil de pauvreté. Le confinement – qui s’est ajouté à cette grande précarité – a contribué à augmenter les problèmes domestiques et sociaux. Huda Alawadi, chargée de projet à Tdh, explique: «Gaza est toujours dans une situation d’urgence. Nous n’avons pas encore trouvé la paix. A cause du COVID-19, de nombreux parents ont perdu leurs revenus. Nous avons vu une augmentation du travail des enfants parce que les parents les poussent à travailler»

Le père de Mahmoud n’avait pas de travail et ne recevait qu’une petite aide. A l’école, l’adolescent était victime de harcèlement. Au lieu de poursuivre ses études, Mahmoud a voulu aider son père en travaillant. Il ne suivait plus les cours et passait la plupart de son temps dans la rue pour collecter et vendre des canettes en aluminium et du plastique. Peu à peu, il est devenu agité, désobéissant et révolté. Sa relation avec son père était conflictuelle et il se montrait agressif envers ses frères et sœurs. Ses enseignant·e·s ont remarqué que ses absences se multipliaient et qu’il était moins motivé. Il a finalement échoué son année scolaire. 

Les enfants apprennent à exprimer leurs sentiments 

Beaucoup d’enfants font des cauchemars, ont peur ou souffrent de troubles du comportement. Dans les centres de protection, Tdh et ses partenaires créent des espaces protégés où les enfants peuvent discuter de leurs problèmes et les surmonter à travers des activités psychosociales. Mahmoud participe à ces activités. 

«Au cours de ces séances, nous avons essayé d’impliquer Mahmoud dans des activités et l’avons chargé d’animer certains jeux afin de renforcer son estime de soi et de lui permettre d’exprimer ses sentiments et ses opinions. Lors d’une séance de méditation, il a remplacé ses idées négatives par des pensées positives. Nous avons élaboré un plan avec lui et sa famille sur la façon dont son temps pourrait être organisé pour favoriser ses études et son avenir», explique Asmaa. 

Sa mère raconte fièrement: «Après avoir passé du temps avec les travailleuses sociales, il a retrouvé une certaine motivation et m’a dit: ‘Maman, je ne veux plus travailler, je veux faire des études pour être enseignant.’ J’ai été surprise!» Après cela, Mahmoud est retourné à l’école. Il y a également moins de problèmes entre Mahmoud et son père. Ce dernier a emprunté de l’argent et a acheté un âne. Il gagne maintenant assez pour que Mahmoud ne doive pas travailler. A la fin de l’année scolaire, Mahmoud a obtenu son certificat. Il était très heureux et a couru à la maison pour l’annoncer à sa mère: «Tu vois maman? Voici mes notes, je veux réussir.» 

Chaque année, dans la bande de Gaza, Tdh aide environ 200 enfants à réintégrer l’école ou à suivre une formation professionnelle. Les travailleuses et travailleurs sociaux et les enseignant·e·s s’occupent ensuite de les suivre, à la maison ou à l’école. Nous leur fournissons également des uniformes et du matériel scolaire, ainsi qu’une aide financière pour éviter que les enfants ne retournent travailler.

Enfants et Staff (professeure) Tdh à l'école à Gaza
Enfants et Staff (professeure) Tdh à l'école à Gaza

Mahmoud (au milieu) participe à une séance psychosociale dans un des centres de protection.

Encourager les enfants à concevoir leur avenir 

Bien qu’exposé·e·s au blocus, à la destruction de leur environnement et à la perte d’êtres chers, les enfants et les familles continuent à tisser des relations, à trouver des solutions à leurs problèmes et à rêver d’un avenir meilleur. Elle-même maman, Asmaa sensibilise les parents: «Nous devons écouter nos enfants, entretenir avec eux une relation positive et les prendre dans nos bras, qu’ils soient bons à l’école ou non, qu’ils soient malades ou non. Il est toujours important de leur faire sentir que nous nous soucions d’eux et que nous les aimons, que ce soit par un mot ou par un geste d’affection.» Cet amour inconditionnel leur permet de prendre confiance en eux. La confiance dont ils ont besoin pour ne pas arrêter de rêver. 

Le rêve de Mahmoud est de devenir comme son professeur de mathématiques, «parce qu’il est instruit et enseigne aux autres. C’est une personne respectueuse. Je souhaite que l’avenir soit totalement différent et avoir davantage confiance en moi». Huda, la chargée de projet, souligne: «Nous encourageons les enfants à participer, à prendre confiance et à nous dire ce qu’ils et elles pensent. Nous mettons l’accent sur l’éducation pour les protéger. Nous rappelons toujours aux enfants: Vous êtes le pouvoir de Gaza, terminez votre scolarité. Avoir une formation vous permettra de définir vous-mêmes votre avenir.» 

Retrouvez le reportage complet ici.

*Les prénoms ont été changés pour le respect de la vie privée. 

 

Crédit photos: ©Tdh/Samar Abu Elouf/Fairpicture

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